Pourquoi le piano se désaccorde ?

Le piano se désaccorde : pourquoi ?

 

 

Afin de comprendre pourquoi le piano se désaccorde, d’abord une petite métaphore :

Représentons nous un piano accordé à la justesse comme une gigantesque charge qui serait placée en équilibre sur un fil. « Une gigantesque charge », car la tension exercée par l’ensemble des cordes est colossale (15 à 20 tonnes). Elle est supportée par l’ensemble de l’architecture harmonique de l’instrument : chevalets et table d’harmonie, chevilles et sommier… « Placée en équilibre sur un fil », car la justesse est obtenue par un degré de précision infime de la tension de chaque corde. La moindre variation de position d’un des éléments structurants cités ci-dessus affecte alors cette tension et donc la justesse.

Comprendre pourquoi le piano se désaccorde, c’est déterminer les différents facteurs capables d’affecter la position des pièces de notre puzzle harmonique, et ils sont de plusieurs ordres :

 

 

  • L’environnement du piano

 

 

L’hygrométrie :

 

La variation du taux d’humidité dans l’air est un des facteurs principaux qui explique que le piano se désaccorde. Cela intervient dans plusieurs cas. Le plus souvent avec la mise en marche et l’arrêt du chauffage, mais aussi lors du déménagement de l’instrument (confrontation à un nouvel environnement). L’hygrométrie impacte directement la structure harmonique du piano, en premier lieu sa table d’harmonie. L’ensemble des cordes (et leur tension) repose sur cette pièce par l’intermédiaire du chevalet. La table d’harmonie est fine et de forme galbée. La rétractation du bois (assèchement de l’air), ou son gonflement (humidité croissante), même infime, a dès lors un impact immédiat sur la tension des cordes.

 

La température :

 

La variation thermique a une incidence bien moins directe sur l’accord du piano. Il convient cependant de la citer afin de prendre en compte son lien étroit avec l’hygrométrie. Un piano très exposé à l’ensoleillement va ponctuellement chauffer, chassant de ce fait l’humidité localement. Aussi, on cherchera à ne pas positionner son instrument trop proche d’une source de chaleur agressive. Les radiateurs, poêles ou cheminées sont à garder à bonne distance, autant que faire se peut.

 

L’utilisation :

 

Pratiquer de son instrument a aussi un impact sur l’accord : Lorsque l’on joue du piano, que se passe il techniquement ? Les marteaux, faits de bois et garnis de feutre dense, sont projetés contre les cordes. La sollicitation mécanique sur les cordes se traduit nécessairement par des perturbations (infimes, mais répétées) de l’ensemble des équilibres physiques qui construisent l’accord. Toute chose égale par ailleurs, un piano joué régulièrement se désaccordera alors plus rapidement qu’un piano non utilisé.

 

La fréquence d’accord :

 

Lorsque l’on fait accorder son piano, le technicien remet en tension chaque corde. Lorsque cette opération est faite régulièrement*, le besoin de mise en tension est limité. A contrario, lorsque le piano est resté longtemps sans être accordé, l’ajout de charge que cela représente est important, voire trop important. La force alors exercée ne peut pas être encaissée par la structure de l’instrument sans générer un minimum de déformation (ou « reformation »). Dans ce cas, les éléments internes vont physiquement réagir dans le temps sous l’effet de la charge. La tension obtenue lors de l’accord ne sera pas stabilisée, elle va légèrement baisser au profit de ces déformations structurelles.

 

 

  • L’architecture du piano

 

 

Le chevillage :

 

Les cordes du piano sont enroulées à leur extrémité supérieure à des chevilles métalliques, lesquelles sont enfoncées dans une pièce de bois épaisse (le sommier). Sur les pianos anciens, il arrive que la prise des chevilles dans le bois soit devenue beaucoup mois ferme. L’accord du piano est réalisé par manipulation des chevilles. La stabilisation de l’accord est en partie possible grâce au « calage » de la cheville, c’est à dire son immobilisation optimale. Chaque cheville doit restée logée « en force » dans son trou. Lorsque les chevilles ne sont plus suffisamment serrées par le bois qui les entoure, l’instrument perd en capacité de stabilisation.

 

Le cadre :

 

Le cadre du piano est la structure qui maintient en place l’architecture de l’instrument, malgré les forces considérables déployées par la tension cumulée des cordes. Selon la période de fabrication, cette pièce peut être faite de bois ou de métal, d’une pièce ou de plusieurs pièces solidarisées entre elles. Les pianos anciens, qui ne sont pas à cadre métallique d’une seule pièce, vont naturellement subir une déformation plus importante de part la mise en tension des cordes. La stabilisation de l’accord sera moindre.

 

Les cordes :

 

Les cordes sont faites d’acier, un matériau qui a une certaine propriété d’élasticité. Pour l’accord, cette élasticité nuit à la capacité d’obtenir une tension de corde constante. En particulier, les cordes s’étirent beaucoup au cours des premières années qui suivent l’acquisition d’un piano neuf, il devra être accordé plus souvent pendant ses trois premières années environ. De la même façon, après le remplacement d’une corde, il faudra retoucher plusieurs fois la tension avant que la corde perde de son élasticité et puisse devenir stable durablement.

 

Des dommages structurels :

 

Sur certains instruments, souvent anciens, il peut arriver de constater des déformations structurelles. On peut citer la fente du sommier, d’un chevalet, de la table d’harmonie. Il s’agira le plus souvent de pianos qui n’ont pas été mis en tension (accordé) sur une longue période de leur vie, ou encore qui ont étés confrontés à des environnements inadaptés ou des variations hygrométriques de forte amplitude. De telles déformations, au cœur de la structure harmonique, ont un impact évident et parfois rédhibitoire sur la capacité de stabilisation à l’accord de l’instrument.

 

 

En conclusion, on peut distinguer deux types de facteurs qui déstabilisent l’accord de l’instrument : Premièrement les stimuli externes, c’est l’environnement auquel est confronté le piano, son utilisation plus ou moins répétée, et la régularité avec laquelle il est accordé. Deuxièmement les éléments internes, c’est à dire l’état de l’architecture matérielle du piano et sa capacité à répondre aux lois physiques, en premier lieu à la charge conséquente que représente la tension des cordes.

Merci pour votre lecture ! En espérant que cet article vous aura aidé à comprendre ce qui se passe techniquement quand le piano redevient faux, et ainsi la relative fragilité de la justesse.

 

 

* Pour aller plus loin, quelques articles connexes :

De l’intérêt d’un accord régulier

> A quelle fréquence faire accorder mon piano ?